La dictée de Guy, 12 ème Edition
Ce Samedi 18 Novembre, "L'association FENAY LOISIRS CULTURE" proposait sa traditionnelle dictée, une Vingtaine de participants, aimant les bons mots, ont affronté les pièges de l'orthographe sous la dictée de Guy Renard, ancien professeur de français qui avait choisi l' épreuve.
La passion des mots (extrait issu de la gloire de mon père) de Marcel Pagnol
C’était la politique que mon père et mon oncle avaient élue comme sujet de conversation majeur. Le soir, à table, sous la lampe constellée de moucherons, balançant doucement mes jambes ankylosées, je suivais les querelles effrénées qui s’ensuivaient. Mais leur discussion ne m’intéressait pas. Ce que j’écoutais, à l’affût, scrutant la commissure de leurs lèvres, c’était (c’étaient) les mots. Car j’avais la passion des mots : en secret, sur un petit carnet, j’en faisais une collection, comme d’aucuns font pour les timbres.
J’adorais prolétaire, corrompu, faisandé, gougnafier, calotin, combisme et surtout, prêchi-prêcha. Je me les répétais en maints endroits, quand j’étais seul, pour le plaisir de les ouïr.
Fin de la dictée pour les plus jeunes
Cet été-là, j’en avais collectionné de tout nouveaux, qui étaient succulents : anathème, rad-soc (radsoc, rad soc) bélître, idolâtre, billevesée (s) thuriféraire, infâme ….Ces deux dernières syllabes étaient, je l’avoue, les seules qui, en dehors de leur charme intrinsèque, avaient un sens pour moi. Cela dit, vu les circonstances de leur emploi et leur césure accentuée (« Ce petit père Combes est infâme »), je ne les avais pas associées à l’infamie, mais au déficit de virilité supposé du politicien honnis par oncle Jules. A l’entendre, être « un femme » paraissait encore pire qu’être une femmelette.
Cependant, ma mère et ma tante, lassées de subir sans mot dire les galimatias tendus de leurs époux s’affrontant à cor et à cri, faisaient assaut, quant à elles, de termes culinaires dont, par souci d’équité, je m’emparais à l’envi.
Du coup, la nuit, dans mes rêves, j’organisais des combats de mots. Des combats singuliers opposant arsouille et ris de veau, renégat et sabayon, ecclésial et maître queux, minus habens et sot-l’y-laisse, franc- maçon et frangipane. Puis je concoctais des échauffourées plurielles où s’affrontaient anticléricaux, gâte-sauces, va-t-en-guerre, pompe à huile, mencheviks et pets-de-nonne.
Chaque matin, je m’éveillais fourbu, tout courbatu (courbattu) par ces joutes verbales où, quelle que soit l’orthographe des vainqueurs, la grâce de leur sonorité rendait caducs fautes et manque d’accentuation. Mansuétude qui, mea culpa, me préparait bien mal à la dictature des dictées qui m’attendait (aient) au retour de notre villégiature.
Combisme : subst.masc. ensemble des idées politiques du ministre Combes et de ses partisans, touchant notamment les relations de l’église et de l’état.
Combes : Président du conseil des ministres de France (1902-1905)
Rad-soc : relatif au parti républicain radical et radical socialiste fondé en 1901.
Bélître : mendiant, vaurien.
Thuriféraire : porteur d’encensoir (au figuré : encenseur, flatteur.
Intrinsèque : qui est intérieur et propre à ce dont il s’agit.
Césure : coupe
Arsouille : voyou
Ecclésial : qui concerne l’église en tant que communauté
Minus habens : personne d’une intelligence faible, d’une grande médiocrité intellectuelle.
Mencheviks : mouvement socialiste russe se déclarant du marxisme (1903)